NICOLAS MAVRIKAKIS et NATASCHA NIEDERSTRASS présentent De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts : le meurtre de la baronne au Hangar 7826, projet qui est né d’un intérêt commun pour l’histoire de l'art.
Quand on lit des ouvrages d’histoire de l’art, on a souvent l’impression que les choses vont de l'avant, vers un progrès incontestable. L’histoire de l'art est organisée de manière téléologique – comme une flèche parcourant d’un trait le temps et l’espace en direction d’une cible très précise. Ce fut le cas avec une certaine écriture de la Modernité formaliste. Les artistes et les courants s’y succèdent dans un engendrement biblique fondé sur la progression vers un but, un stade supérieur. L’histoire de l'art n'est pourtant pas neutre. Elle nie une réalité artistique plus complexe, constituée de créations et d’idées se croisant ou s’opposant.
Dans ce système, le problème inhérent est que ceux et celles qui ne s'inscrivent pas dans cette ligne temporelle claire et ordonnée n'ont que peu de chance de faire valoir la valeur de leur démarche créatrice.
L’histoire de l’art est aussi très semblable à une enquête policière. C’est ce qu’entre autres Edgar Wind et Enrico Castelnuovo ont démontré. MAVRIKAKIS et NIEDERSTRASS créent ici une fiction mettant en scène l’histoire de l’art comme un roman policier, basé sur des personnes réelles devenues personnages d’un récit qui souhaite redonner aux femmes une place plus importante dans l’Histoire.
Ce travail proposé par MAVRIKAKIS et NIEDERSTRASS nous invite à réfléchir à qui est l’auteur ou l’autrice, ou même peut-être les auteur.trice.s de l’œuvre si célèbre qui porte le nom de Fountain (1917). Plusieurs documents nous portent à croire que la paternité/maternité de cet urinoir manipulé, une des premières grandes œuvres conceptuelles, ne serait pas simplement attribuable à Marcel Duchamp. La baronne Elsa von Freytag-Loringhoven, née Elsa Hildegard Plötz (1874-1927), serait peut-être liée à la genèse de cette œuvre...
D'autres documents peuvent laisser croire que Marcel Duchamp n’aurait pas été le seul à usurper le talent de la baronne. Avec d'autres, il aurait participé à l'effacer de l'histoire de l'art. Pourrions-nous aussi prétendre qu’il a été, d’une certaine manière, complice du destin tragique de cette dernière trouvée morte le 15 décembre 1927 dans sa chambre d’hôtel du 13e arrondissement de Paris, intoxiquée par le gaz resté ouvert toute la nuit ?
Par le biais d’un dispositif à la fois photographique, sonore, sculptural et textuel, ce travail en duo de MAVRIKAKIS et NIEDERSTRASS investit l’espace du HANGAR 7826, de manière à remettre en question le récit véhiculé par l’histoire de l’art. En revisitant archives personnelles et dossiers juridiques, ils réinterpréteront, parfois de façon poétique et métaphorique, parfois de façon ironique et critique, les indices permettant une relecture d’une histoire de l’art souvent assassine.
NATASCHA NIEDERSTRASS, diplômée de l’Université Concordia à Montréal (BFA) et de l’Université York à Toronto (MFA), a présenté plusieurs expositions individuelles et collectives en galeries et centres d’artistes. Son travail fait partie des collections du Musée des beaux-arts de Montréal, du Musée d’art de Joliette, de la Banque Nationale du Canada, de la Ville de Longueuil et de la Ville de Laval. Elle a complété une résidence à VU Photo à Québec en juin 2021 pour développer un nouveau corpus qui fut présenté en 2022 dans le cadre de la 10e édition de la Manif d’Art de Québec. À l’hiver 2021, elle réalisa également une résidence de recherche au Centre SAGAMIE en duo avec l’artiste saguenéenne Caroline Fillion dont le résultat des recherches fut diffusé à Occurrence - espace d'art et d’essai contemporains et au Centre SAGAMIE. Son premier livre d’artiste, Stress aigu, fut publié par Les Éditions Rodrigol au début de l’année 2022. Elle expose son plus récent corpus The Vanishing Woman / Escamotage d’une femme à la Galerie Patrick Mikhail avec qui elle collabore pour la première fois à l’hiver 2022-2023.
NICOLAS MAVRIKAKIS est critique d’art au journal Le Devoir depuis 2013, après avoir travaillé à l’hebdomadaire Voir pendant 15 ans. Il a aussi écrit dans de nombreuses revues d’art au pays et à l’étranger, dont plusieurs où il fut membre du comité de rédaction (Spirale, ETC, Espace). Détenteur de deux maîtrises, l’une en histoire de l’art et l’autre en littérature francophone, il enseigne au collège Brébeuf. Commissaire indépendant, il a entre autres monté la rétrospective Pierre Ayot en 2016-2017. En tant que théoricien de l’art, il a publié le livre La peur de l’image (2015) et L’illusion postmoderne ? Réflexions sur l’évanescence d’un concept en arts visuels (2021). Il a aussi écrit Les aventures de Pierre Théberge, l’homme qui a osé exposer Tintin au musée (2017), biographie de l’ancien directeur du Musée des beaux-arts de Montréal et du Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa. En tant qu’artiste, il a réalisé plusieurs documentaires sur l’art et a aussi présenté des œuvres à la Galerie Joyce Yahouda, dont Pourquoi je suis comme je suis, en 2012, et Pourquoi je suis comme je suis (la suite), en 2019.
Nicolas Mavrikakis tient à remercier Joyce Yahouda, Terry Cochran et Ana Tapia pour leur aide précieuse.HANGAR 7826 est situé sur la ruelle entre les rues Saint-Gérard et Foucher au sud de la rue Gounod dans le quartier Villeray à Montréal (Métro Jarry).
Depuis 2021, HANGAR 7826 est un atelier d’artiste qui se transforme sporadiquement en galerie d’art actuel. Les expositions ont lieu toute l’année, les activités débordent dans la ruelle et sont ouverts à tou·te·s.
Les partenaires du projet reconnaissent que les terres sur lesquelles ils se trouvent font partie d’un territoire ancestral qui a longtemps servi de lieu de vie, de rencontre et d’échange entre les peuples autochtones.
Les artistes et les commissaires tiennent à remercier chaleureusement l’artiste Gilles Tarabiscuité qui les accueille généreusement dans son HANGAR 7826.
Les artistes sont présents pour accueillir les publics les samedis et dimanches de 14h à 17h pendant toute la période d'exposition. Autrement, l'exposition est visible en tout temps à travers la double porte vitrée du HANGAR 7826.