Il n’existe qu’une documentation fragmentaire sur ce curieux chapitre de l’histoire, connu désormais sous le nom de La Grande négation. Non seulement la reconnaissance de la perception des couleurs et la primauté des tons de gris étaient en cause, mais aussi toutes les connaissances culturelles et scientifiques ancrées dans ces distinctions. Sans parler du droit de s’exprimer et de vivre selon ces principes sans peur ni récrimination. L’intolérance envers la diversité de perception et la théorie des couleurs couvait. Le fanatisme de l’échelle de gris connut son apogée au milieu du vingtième siècle, tant en Amérique du Nord qu’ailleurs au monde.

Dans les années 1960 et 1970, le courant socio-politique de l’extrémisme anti-chromatique commença à s’atténuer et l’affirmation de la perception des couleurs revint à la surface. Toutefois, toute recherche académique sur ce sujet se trouve aujourd’hui entravée par le révisionnisme et les campagnes de désinformation qui ont suivi. La confrontation des faits et de la fiction a laissé aux historiens un fouillis déroutant à démêler. Pour tenter de reconstituer la vérité, il faut, en grande mesure, tirer des conclusions à partir de ouï-dire et de preuves circonstancielles.

Coïncidant avec l'exposition Le Prisme du Schisme, on assiste à une vague croissante d’intolérance envers la diversité et d’animosité à l’égard de ceux qui voient le monde différemment. En réunissant un livre d'artiste, des œuvres d'art, des artefacts et un film d'art, cette exposition au HANGAR 7826, à Montréal, lève le voile sur La Grande négation, présentée à titre de modèle comparatif pour évaluer les circonstances actuelles, tout en laissant aux visiteurs et aux lecteurs le soin de parvenir à leurs propres interprétation et jugement.

Frank Mulvey est un artiste, auteur et commissaire montréalais. De pair avec Giuseppe Di Leo, il est codirecteur d’Éphémères imaginaires, un projet de dessins aux facettes multiples. Cette initiative sans limite stricte quant aux possibilités d’expression du dessin se décline dans un éventail de disciplines, dont la sculpture, l’installation et la vidéo. Des notions de l’éphémère sont mises en forme dans une série d’expositions et de publications. Par ses incarnations variées, tant sur le plan du contenu, des contributeurs et des lieux de présentation, le projet est sujet à une évolution et à des mutations constantes; un champ des possibles pour les penseurs et les créateurs.

Chacun des dessins de Frank Mulvey se compare à une seule image d’un film noir; sauf qu’ici, le fatalisme prend des allures plus optimistes et les questions existentielles nous aident à imaginer un avenir prometteur. Les œuvres en noir et blanc bordées d’un cadre d’acier de Frank Mulvey figurent dans les collections du Musée national des beaux-arts du Québec, de la Banque d’œuvres d’art du Conseil des arts du Canada, du ministère des Affaires extérieures (Ottawa), de même que de nombreuses collections d’art privées et d’entreprises. Il est titulaire de prix et de subventions du ministère des Affaires culturelles du Québec et de la Fondation Elizabeth Greenshields, en plus d’être lauréat du prix de l’excellence en enseignement décerné par le directeur général du Collège Dawson. Le projet Le Schisme du prisme (vidéo/livre/exposition) peut être consulté ici.