artistes





Yvonne Lammerich

Antonio Da Messina, Sicily 1475 / Popova, USSR 1921


acrylic on canvas, painted wood
2022

SEARCH FOR SELF THROUGH FOUR DIMENSIONS #2


1986

ALPHA #1


60x43cm paper collage
1978

ABITATION


Frontal view of wooden reconstruction
after Champlain's drawing of 1608
Wood, glue, paint, plywood
2008

RIMETER

[detail]
Plaster, foamcore
2010

NOW


[detail]
2020

RENDRE UNE HISTOIRE RÉELLE



Quand j'étais très jeune, je me cachais derrière un grand canapé moderne pour entendre les adultes parler d'espace, d'univers, de temps, de philosophie et de questions existentielles, mais dans une langue dont je ne comprenais les mots et le sens que par l'excitation et le frisson de leurs gestes et de leurs voix invisibles. J'en suis venu à lire le monde et mon identité comme des échos formés par différents états d'espace, de temps et de mouvement qui résonnent comme une présence dans mon corps. Dans ce souvenir le plus ancien se trouvait déjà la matrice qui a forgé ma curiosité.

Comment parler de cette expérience, alors qu'il ne s'agissait pas de représentation mais d'appréhension de la connaissance par le corps tout entier ? Elle s'est manifestée sous forme de diagrammes, de propositions, de cartographies : comme des tableaux pour recevoir l'émission du corps, sa trajectoire identitaire coulée comme une topologie d'états spatio-temporels : une expérience du corps identifiée aux subtilités du langage.

J'en suis venu à reconnaître les états du langage pictural comme un enveloppement et un déploiement actifs des croyances : un mouvement mythique entre les limites de la clarté et de l'obscurité - temps et espace, matérialité et immatérialité, présence et absence, une oscillation entre devenir et être. L'identité comme "réalité" enregistrée dans une sensation de transparence et de réflexion, d'absorption et d'émission.

Mon travail inscrit des notations sur un réseau, comme sur un écran radar, dont la multiplicité des emplacements potentiels, des significations et des associations, j'en suis venu à parler d'inflexions que nous inscrivons avec nos croyances. Je peux parler de l'illusion comme d'une partie essentielle de la conscience : dans son jeu, elle plie l'image en texte, le texte en image : elle situe notre corps comme une ouverture.

Si j'ai une préoccupation pour la peinture, c'est parce que l'espace pictural de la peinture est un site primaire pour notre projection du corps. J'en suis venu à reconnaître que le point de fuite se trouve du côté intérieur d'une ouverture, révélant le potentiel infini du corps désirant dont le sujet est le soi.

Dans ma propre relecture des cartes et des propositions que j'ai tracées avec mon travail, j'en suis venue à rejeter la honte dont j'ai hérité, avec sa projection rédemptrice de progrès futur. Mon corps, à travers le travail, a remplacé la différence objective par une "différence" subjective : l'objectivité n'est plus pour moi une opposition mais un aspect au sein duquel l'objectivité et la subjectivité sont des entités interdépendantes.

Dans l'alchimie de mon corps, en tant que peintre qui est une femme. Je me suis rendu compte que nous donnons naissance à l'espace autant que nous pénétrons ou inséminons son idéal. Un toucher - pour rendre l'histoire réelle.

yvonnelammerich.com



To Make a Story Real



I hid behind a large modern sofa when I was very young to hear the adults talk about space, the universe, time, philosophy and existential questions but in a language whose words and meaning I understood only by the excitement and thrill of their unseen gestures and voices. I came to read the world’s and my identity as echoes formed by different states of space, time and movement resonating as a presence within my body. In this earliest memory lay already the die that forged my curiosity.

How to speak about this experience, when it was not about representation but the apprehension of knowledge through the whole body? It came out as diagrams, propositions, mappings: as paintings to receive the body’s emission, its trajectory of identity cast as a topology of space/time states: an experience of the body identified with the intricacies of language.

I came to recognize states of pictorial language as an active enfolding and unfolding of beliefs: a mythic movement between the edges of lightness and darkness- time and space, materiality and immateriality, presence and absence, an oscillation between becoming and being. Identity as “reality” registered in a sensation of transparency and reflection, absorption and emission.

My work inscribes notations on a net, as on a radar screen, whose multiplicity of potential location, meanings, and associations I have come to speak of as inflections that we inscribe with our beliefs. I can speak of illusion as an essential part of consciousness: in its play it folds image into text, text into image: it situates our body as an opening.

If I have a preoccupation with painting, then, it has been because painting’s pictorial space is a primary site for our projection of the body. I have come to recognize that the vanishing point lies on the interior side of an opening, revealing the infinite potential of the desiring body whose subject is the self.

In my own rereading of the maps and propositions I have plotted with my work, I have come to cast off the shame I inherited, with its redemptive projection of future-progress. My body through the work has overwritten objective difference with subjective “difference:” objectivity is for me now not an opposition but an aspect within which objectivity and subjectivity are interdependent entities.

In the alchemy of my body, as a painter who is a woman. I have come to realize we give birth to space as much as we penetrate or inseminate its ideal. A touching – to make the story real.